Notation tonale dans un texte normalisé bambara
Les diacritiques tonales utilisées sont l’accent aigu : á pour le ton haut ; l’accent grave : à pour le ton bas ; hachek : ǎ pour le ton ascendant. Cette dernière est très rare, seulement dans les mots de quelques classes tonales minoritaires, pour le ton ascendant précédant le ton haut.
On peut se passer du hachek, mais dans ce cas, on serait obligé d’introduire un signe pour le ton flottant bas à l’intérieur du mot. Au lieu de nkárǎngé, on écrirait nká`ránge ‘piège’. Une autre option serait d’utiliser le circonflexe : nkâránge.
Le hachek n’est pas utilisé pour le ton ascendant précédant un ton bas, on utilise plutôt l’accent grave, selon le principe : « le ton bas suivi d’un autre ton bas se réalise comme un ton ascendant ».
En plus, on utilise le circonflexe pour désigner la combinaison du ton haut final avec le ton flottant bas suivant, et cela seulement dans les mots où le ton flottant bas fait partie du ton lexical, ex. : jɔ̂n ‘qui ?’, bî ‘dizane’, mîn (marque relative).
Les règles de notation :
1. Pour les mots des classes tonales majeures : seul le ton de la première syllabe est indiqué (haut ou bas) et ce quelle que soit la longueur du mot.
2. Pour les verbes à préfixes, le ton bas est indiqué sur le préfixe et sur la première syllabe de la base verbale : lákìrin ‘faire évanouir’, màmìnɛ ‘retenir d’avance’, màgàn ‘faire effort’, màjìra ‘montrer’. Si la base verbale est à ton haut, le ton n’est indiqué que sur le préfixe : lákolo ‘éduquer’.
Le même principe est appliqué aux participes (dérivés par les suffixes –len / -nen, -tɔ, -ta) qui maintiennent les tons des verbes dont ils sont dérivés (lákìrinnen, màmìnɛtɔ, màjìrata). Il n’est pas valable pour les noms verbaux (dérivés par conversion ou par le suffixe –li / -ni) ni pour le participe en -bali dont les tons sont compacts (lákirinni ‘fait de faire évanouir’, màminɛli, màminɛ ‘fiançailles’, màgan ‘effort, zèle’, lákirinbali ‘celui qui ne s’est pas évanoui’)
3. Dans les verbes composés (les types N+V et [N+Pref.]+V), le ton bas est noté sur la première syllabe de la composante nominale et sur la première syllabe de la base verbale: kɔ́nɔnafìli ‘inquiéter’, kùnkɔrɔtà ‘relever’. Le ton haut n’est pas noté sur la base verbale : kùnnada ‘rappeler un bienfait’, kɔ́nɔmiiri ‘réfléchir'.
4. Classes tonales mineures: Moins de 10% de tous les lexèmes bambara appartiennent aux classes tonales mineures. Il s’agit presque exclusivement des noms, adverbes et quelques auxiliaires. La majorité des mots de ces classes sont rares (noms des plantes et des animaux…), et assez souvent leurs tons varient d’un dialecte à l’autre. Dans ce qui suit, on donne la liste des classes tonales (Dumestre 1987). Les exemples proviennent d’une même source. Noter que les formes des mots sont souvent différentes de celles qu’on trouve dans le dictionnaire de Bailleul.
Notation : H = ton haut, L = ton bas, R = ton ascendant
Structure du mot, schéma tonal | Exemple (notation complète) | Notation selon nos règles | Commentaires |
---|---|---|---|
CV: L | kà marque de l’infinitif, à 3SG. | kà, à | seuls les deux mots en questions |
Mots dissyllabiques | |||
CV-CV: HL | báwò ‘parce que’, kúnùn ‘hier’ | báwò, kúnùn | n’apparaît pas sur les noms |
CV-CV: R-R | gělǔ, gèélǔ ‘petit-duc africain’, tèéndǎ, těndǎ ‘ombrette’ | gèlù, tèndà | |
CVV-CV: R-L | làálà ‘probablement’ | làalà | un type rare |
Mots trissyllabiques | |||
CV-CV-CV: H-L-H | bámànán ‘Bambara’, tásàlén ‘bouilloire’ | bámànan, tásàlen | le type le plus fréquent |
CV-CVV-CV ou CVV-CVV-CV: H-H-R | náanáalěn ‘hirondelle’, bákɔ́ɔnǐn ‘grand gravelot’ | náanaalèn, bákɔɔnìn | |
CV-CV-CV: H-R-H | nkárǎngé ‘piège’, dɔ́rɔ̌mɛ́ ‘cinq francs’ | nkárǎngé, dɔ́rɔ̌mɛ́ | |
CV-CVV-CV: L-H-R | bòjáarǎ ‘Sida alba’, bàɲáandǐ ‘coucal du Sénégal’ | bòjárà, bàɲándì | la longueur de la première syllabe est automatique |
CVV-CV-CV: R-L-H | jɔ̀ɔ́nkɔ̀mí ‘sorpion noir’, màángòró ‘mangue’ | jɔ̀nkɔ̀mi, màngòro | la longueur de la première syllabe est automatique |
Mots quadrissyllabiques (tous CV-CV-CV-CV) | |||
H-H-L-H | késékèlé ‘gésier’, fógónfògón ‘poumon’ | késekèle, fógonfògon | un type fréquent |
H-H-R-H | bábúgǔnín ‘fourmilier (insecte)’ | bábugǔnín | un type rare ; certains mots réalisent facultativement leur ton comme H-R-H-H |
H-H-H-R | búnúnkóorǒ ‘canard casqué’, kɔ́lɔ́bóorǒ 'couleur brune’ | búnunkoorò, kɔ́lɔborò | un type rare ; la longueur de la dernière voyelle est automatique |
H-L-L-H | wánjàlàká ‘girafe’ | wánjàlaka | un type rare |
H-L-H-H | cóbàjírí ‘homme courageux’ | cóbàjiri | un type rare |
L-H-L-H | dùnúnkàlé ‘guêpe maçonne’, kòlókòló ‘poule déplumée’ | dùnunkàle, kòlokòlo | un type fréquent |
L-H-R-H | kànkálǐbá ‘boisson de kankaliba’, fàbúrěmá ‘petite patate douce’ | kànkálǐbá, fàbúrěmá | un type rare |
L-H-H-R | gìngérénǐn ‘rapace diurne’, kàlílákǎ ‘poule de Pharaon’ | gìngérenìn, kàlílakà | un type rare |
L-L-H-R | tòrìmáanǎ ‘sangsue’, ngòròbáanǐn ‘tourterelle du Cap’ | tòrimanà, ngòrobanìn | un type rare ; la longueur de l’avant-dernière voyelle est automatique |
On n’est malheureusement pas certain que cette liste soit exhaustive pour tous les dialectes bambara. D’ailleurs, la grande majorité des textes disponibles en bambara n’ont pas du tout de notation tonale, et ce problème n’est donc pas pertinent dans leurs cas.
5. Les conglomérés, dans leur grande majorité, acquièrent les tons compacts et perdent les tons de leurs composantes. Dans certains cas les tons originaux sont maintenus: sìgíńfě ‘étranger établis depuis longtemps dans le village’ (dans l’orthographe normalisée : sìgíńfɛ̀ ) , táakàsègín ‘aller-retour’ (táakàsègin), jèníkàɲìmí ‘occasion à saisir’ (dans l’orthographe normalisée : jènikàɲìmi ). Cependant, ces tons peuvent être remplacés facultativement par des tons compacts : sìgìnfɛ́ (sìginfɛ), táakáségín (táakasegin), jènìkàɲímí (jènikaɲimi).
Il y a un certain nombre des conglomérés « non-intégrés » qui maintiennent les tons originaux de leurs composantes : cɛ̀tɛ́mùsòtɛ́ ‘hermaphrodite ; homosexuel’. D’après les observations de Dumestre, les conglomérés brefs (3 syllabes ou moins) ont une forte tendance à passer au modèle compact, tandis que les conglomérés plus longs maintiennent plus souvent les tons de leurs composantes.
Les conglomérés constituent une liste ouverte. Ils se dérivent selon plusieurs modèles, et chaque modèle peut produire des schémas tonals différents. Il semble peu réaliste de calculer tous les schémas tonals des conglomérés.
6. Lorsqu’un nom à ton mineur sert de base de dérivation, ou lorsqu’il devient une composante d’un mot composé, il passe à une classe tonale régulière (le ton de la première syllabe définit le contour tonal du mot entier). Ex. : nkárǎngé ‘piège’ »» nkárangenin ‘petit piège’, bámànán ‘Bambara’ »» bámanankan ‘la langue bambara’.